Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/292

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défendre de la physiologie, ils la rasaient en une foule de choses, et ils se teignaient d’elle, en passant !

Eh bien ! ce n’est, certes, pas cela qui est un mal. C’est un bien, au contraire ! C’est un bien et un très-grand bien, puisque c’était pour les romanciers, lassés de battre le jeu de cartes toujours de la même façon, une force inespérée, une source d’effets de plus. La Critique, qui doit tout comprendre et tout embrasser, excepté le faux, la Critique, qui doit même se réjouir de ce que la science ait investi l’art d’une force nouvelle, devait non-seulement applaudir à l’influence physiologique dans le roman, et dans le roman de la moralité la plus spirituelle, mais elle devait même encourager, sous toute réserve, le genre spécial du roman, qui allait fatalement tendre à se constituer, et qu’on peut appeler le roman purement physiologique. Seulement elle devait en signaler l’écueil. Du moment, en effet, où, au lieu de mêler la lumière ou le phénomène physiologique aux faits humains pour en éclairer la profondeur — comme Shakespeare, par exemple, avant tout le monde, l’a osé d’une si admirable manière et avec tant de bonheur dans sa fameuse scène de lady Macbeth somnambule, — on va plus loin dans le sens de la physiologie, quand on se circonscrit et qu’on enferme son sujet tout entier dans le phénomène, il faut prendre garde, car le passage est dangereux ! On se retire de l’humanité pour entrer dans la maladie ! On s’enfonce dans quelque chose de formidablement exceptionnel, la monstruosité ! Et, le croirez-vous ? l’écueil de ce genre de composition sera toujours le bas prix auquel il met la curiosité et l’émotion qu’il fait naître. Ce sera toujours la facilité.