Page:Barbey d’Aurevilly - Poussières.djvu/37

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Oh ! ne m’accuse pas ; accuse la nature,
Accuse Dieu plutôt, ― mais ne m’accuse pas !
Est-ce ma faute, à moi, si dans la vie obscure
Mes yeux ont soif de jour, mes pieds ont soif de pas ?
Si je n’ai pu rester à languir sur ta couche,
Si tes bras m’étouffaient sans me faire mourir,
S’il me fallait plus d’air qu’il n’en peut dans ta bouche…
Voilà pourquoi je veux partir !

Pourquoi ne pouvais-tu suffire à ma pensée ?
Et tes yeux n’être plus que mes seuls horizons ?
Pourquoi ne pas cacher ma tête reposée
Sous les abris d’or pur de tes longs cheveux blonds ?
Comme la jeune épouse endormie à l’aurore,
La fleur d’amour, comme elle, au soir va se rouvrir…
Mais si l’amour n’est plus, pourquoi de l’âme encore ?
Voilà pourquoi je veux partir !

Tu ne la connais pas cette vie ennuyée,
Lasse de pendre au mât, avide d’ouragan.
Toi, tu restes toujours sur ton coude appuyée
À voir stagner la tienne ainsi qu’un bel étang.