Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/169

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lement baissé à la Malgaigne, que personne de ceux qui étaient dans la barque ne l’entendit les prononcer.

— Eh bien ! la Malgaigne ? — cria Sombreval d’une voix qui courut comme l’écho d’une détonation sur l’étang.

— Vère ! c’est la Malgaigne ! — répondit-elle, comme si l’accent de cette voix impatientée l’eût arrachée à ses rêveries. Que me voulez-vous, monsieur Sombreval ?

— Et toi, vieille folle, que veux-tu dire avec ton monsieur Sombreval ? reprit-il vivement. Pour qui donc prends-tu le fils à Jean Gourgue, qui a été ton fisset, à toi aussi, pendant tant d’années, et qui a grandi en tenant le coin de ton tablier ?

— Mais, — dit-elle, — pour le maître du Quesnay, un nouveau seigneur dans la contrée…

— Tu ne penses pas ce que tu dis ! interrompit Sombreval. Tu sais bien que Jean Gourgue-Sombreval ne sera jamais que Jean pour toi, ma vieille mère. Parle-moi donc comme autrefois… M. Néel de Néhou que voilà n’ignore pas que je suis un paysan d’origine, et ma fille que tu vois, et dont tu seras la grandine[1], ne croit pas descendre,

  1. Grandine, expression des enfants en Normandie, pour