Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/14

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— une voix traînante et insolente ; et Julie la Gamase se montra.

Pour Sombreval, Julie la Gamase, l’ignominieuse mendiante, était l’Injure vivante et abhorrée, la seule injure qui le trouvât sensible, ce grand endurci, trempé et forgé dans le mépris des orgueilleux.

Elle lui rappelait une scène horrible et une monstrueuse ingratitude, non pas envers lui, — envers lui ! il l’eût oubliée ! — mais envers Calixte, pour le compte de laquelle il se sentait féroce, — pour laquelle il eût, comme César, fait mettre en croix ceux qui auraient troublé son sommeil. Des injures qui pleuvaient sur lui de tous les points de l’horizon et qui tombaient comme les flèches de la Bible, — dix mille à sa droite et dix mille à sa gauche, — l’injure de Julie la Gamase était la seule qui ne fût pas perdue et qui s’enfonçât dans la cible de son âme fermée à tout, repoussant tout, comme un bouclier. Partie de plus bas, elle atteignait mieux.

Ce n’est pas rare qu’un tel phénomène. Il existait pour Sombreval, comme pour personne peut-être il n’avait jamais existé… Quand, depuis le jour où sur la butte du Mont-Saint-Jean ses soins sauvaient probablement la vie à cette mendiante, il l’avait mainte fois rencontrée, filant le long des Males Rues, colimaçon-