Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/26

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aux douleurs désespérées de Mirabeau, dit profondément, comme s’il eût médité tout haut :

— Non seulement j’aurais été un lâche, mais un imbécile d’hésiter !

D’une main se tenant à son bâton, la Malgaigne, accroupie, retournait le corps de Julie la Gamase.

— Va ! elle est bien morte, dit Sombreval. Tu n’y trouveras plus signe de vie… ni trace de mon poison non plus ! Demain, la justice viendra faire la levée du cadavre, comme ils disent, et ce qu’elle trouvera défiera son œil et le scalpel de son médecin. Ils s’en retourneront comme ils seront venus ! Nul que toi et moi ne saura le secret de cette mort subite. Il est donc dit, ma vieille mère, qu’il y aura toujours des secrets entre nous !

— Vère ! répondit-elle, pensive. Ma vie est nouée à drait nœud dans la tienne, Jeannotin !

— Vois ! — reprit-il, touchant de son bâton de houx les joues de la morte. Voilà les taches bleues qui annoncent que la décomposition commence. Elles peuvent venir, la Justice et la Science ! Il n’y aura plus ici qu’un monceau de boue demain matin !

— Mais dans ton cœur qu’y aura-t-il, Jean ? fit ardemment la Malgaigne en se relevant, — le long de son bâton, — toute droite, comme