Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/67

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prit, chère enfant, s’étendra sur toi, et tu le sentiras, quand je n’y serai plus !

Tu le sentiras avec cette âme incomparable qui t’a été donnée pour sentir plus profondément la vie. Chère Voyante d’amour filial, ajouta-t-il, — présent ou absent, tu me verras toujours !

— Oui, fit la mystique, qui comprit cette consolation suprême. On voit Dieu, à force de l’aimer. Je vous verrai ainsi et je pourrai être heureuse. Un père comme vous, c’est Dieu, après Dieu !

Ange déjà résigné, qui savait que la quitter était le plus amer du sacrifice de son père, et qui ne voulait pas y ajouter l’amertume du sien !

… Lorsque le jour fut entièrement passé dans ces attendrissements qu’ils partagèrent, Néel et l’abbé Méautis, après le souper, revinrent à Néhou, en s’entretenant le long des chemins de l’étonnant événement qui venait de se produire là, sous leurs yeux, à huis clos, entre ces quatre murs, au fond de cette vallée, — et qui serait dans quelques jours la stupéfaction de toute la contrée. En ce pays de mœurs réglées, monotones, uniformes, où le jour qui passait, à pas sourds, ressemblait tant au jour de la veille et à celui du lendemain, — dans ce dernier angle de cette presqu’île où