Page:Barbier - Iambes et Poèmes, 1841.djvu/206

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Du gin, du gin ! — à plein verre, garçon !
Dans ses flots d’or, cette rude boisson
Roule le ciel et l’oubli de soi-même ;
C’est le soleil, la volupté suprême,
Le paradis emporté d’un seul coup ;
C’est le néant pour le malheureux fou.
Fi du porto, du sherry, du madère,
De tous les vins qu’à la vieille Angleterre
L’Europe fait avaler à grands frais,
Ils sont trop chers pour nos obscurs palais ;
Et puis le vin près du gin est bien fade ;
Le vin n’est bon qu’à chauffer un malade,
Un corps débile, un timide cerveau ;
Auprès du gin le vin n’est que de l’eau :
À d’autres donc les bruyantes batailles
Et le tumulte à l’entour des futailles,
Les sauts joyeux, les rires étouffants,
Les cris d’amour et tous les jeux d’enfants !
Nous, pour le gin, ah ! Nous avons des âmes
Sans feu d’amour et sans désirs de femmes ;