Page:Barbier - Satires et Chants, 1869.djvu/242

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Et les plus forts penseurs que sur les hautes cimes
Ait jamais éclairés la lumière des cieux.
Que n’espère-t-on pas d’esprits si glorieux !
Ils parlent... et pourtant de ces augustes bouches
Il ne sort que discours incohérents et louches,
Centons plats, lieux communs, sans style et sans couleur,
Indignes de ces gens de génie et de cœur.
N’importe, on s’extasie à leurs pauvres oracles,
Et l’on applaudit fort le faiseur de miracles.
Celui-ci, tout en feu, s’évertue et promet
Prodige sur prodige ainsi que Nicolet,
Une apparition et la touche vivante
Même des mains d’un mort... une bonne croyante
Qui siége devant lui prend flamme et dit soudain :
« Monsieur, si je pouvais sentir encor la main
De feu mon pauvre frère, ah ! Je serais heureuse
D’en devoir à vos soins la faveur merveilleuse !
- Madame, il sera fait selon votre désir.
Sous la table veuillez allonger et tenir
Votre main, et bientôt la main tant souhaitée
S’y joindra. » La croyante, ébaubie, enchantée,
Obéit, et le cœur plein de trouble et d’espoir
Attend l’attouchement ; en effet, dans le noir,
Elle sent sur ses doigts une peau véritable
Glisser... en son bonheur, et c’est bien concevable,
Elle veut à son tour presser la tendre main,
Et la voilà, d’un coup intrépide et certain,
Qui retient le poignet fraternel au passage.
Hélas ! Hélas ! La main saisie avec courage
N’était pas une main, mais un pied nu, sans bas,
Pied d’homme, très-vivant et qui ne bougeait pas.

Aussitôt un grand cri retentit dans la salle,
Tellement déchirant que tout ému, tout pâle,
Chaque assistant en a sur son siége bondi.
La dame en entendant cet effroyable cri