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TRAGEDIE.


Scène III.

GRACCHUS, PHILOCRATE.
Gracchus.


ESt-ce ainſi qu’on me parle & d’hymen, & de paix ?
Eſt-ce donc en fuyant, ingrate Licinie,
Que tu veux à Gracchus être à jamais unie ?
De ſon ſort, & du mien qu’a-t-elle reſolu ?
Ne viens-je pas ici par ſon ordre abſolu ?
J’y vole. Quel accueil ! Quel étrange myſtére !
La fille toute en pleurs me renvoie à ſon pere :
Et pour ne me laiſſer qu’un affreux deſeſpoir,
Sa bouche au même inſtant me défend de le voir.
Que dois-je en préſumer ? qu’en crois-tu, Philocrate ?

Philocrate.

Seigneur, il ne faut pas ici que je vous flate :
Le danger eſt preſſant, & je n’en puis douter ;
Quelqu’orage ſur vous eſt tout prêt d’éclater :
Sauvez-vous de ces lieux, s’il en eſt tems encore.
Fuyez cette beauté que votre cœur adore.
Je veux qu’elle ait pour vous brulé juſqu’à ce jour,
Mais la nature enfin l’emporte ſur l’amour,
Son ordre pour vous perdre au Sénat vous attire :
Son ſilence en a dit plus qu’il n’en falloit dire.