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TOMYRIS,
Tomyris.

Que parlez-vous de crime ? Et de quel front, Seigneur,
Pouvez-vous me vanter les bontés d’un Vainqueur
Qu’on a vu jusqu’ici de ſang inſatiable,
Par d’éclatans forfaits ſe rendre mémorable ?
Quoi ? ne peut-il ſouffrir Mandane entre nos mains ?
Lui qui bravant les loix des Dieux & des humains,
Sur de pompeux débris vient d’élever son Trône ?
N’a-t-il pas mis aux fers Sardis & Babylone ?
Et ſemant en tous lieux l’épouvante & l’horreur,
Jusqu’aux murs de Memphis étendu ſa fureur ?
Dans quel coin de l’Aſie eſt-il encor des Princes
Dont il n’ait par le fer ravagé les Provinces,
Il traîne après ſon char vingt captifs couronnés.
Qui lui donne ce droit ſur ces infortunés ?
Cependant il ſe plaint, il accuſe, il condamne ;
C’eſt un crime, dit-il, que retenir Mandane :
Tandis qu’il foule aux pieds tant de Rois abatus ;
Et qu’il met ſes fureurs au nombre des vertus,
Pour obtenir de moi la Princeſſe qu’il aime,
Aux trônes uſurpés qu’il renonce lui-même
Que par un noble exemple il oſe m’exciter,
Et je verrai, Seigneur, ſi je dois l’imiter.

Artabase.

Je ſuis ſurpris, Madame, & je ne puis m’en taire :
Vous blâmez un Héros que l’Univers revére.
Cependant ſes vertus, malgré vos ſoins jaloux,
Ont fait aſſez de bruit pour venir juſqu’à vous.