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TRAGEDIE.

Quoi ! j’irois obéir où regneroit mon fils ?
Moi, qui foulant aux pieds les droits de ſa naiſſance,
Lui retiens en ces lieux la ſuprême puiſſance ?
Non ; mon ambition auroit trop à ſouffrir :
J’ai vécu ſur le Trône, & je veux y mourir.
Je te dirai pourtant, que ma chute infaillible,
Des malheurs que je crains n’eſt pas le plus terrible.
Deux Amans que je laiſſe au comble de leurs vœux,
Des maux que je reſſens voilà le plus affreux.
O cruel deſeſpoir ! neceſſité fatale
De mourir ſans donner la mort à ma Rivale !
Par un fils odieux dérobée à mes coups,
L’orgueilleuſe triomphe, & brave mon courroux.
Triomphons à mon tour. Immoler ce qu’elle aime,
C’eſt toujours immoler la moitié d’elle même.
Sacrifions Cyrus. On va me l’amener ;
De ſon sort & du mien c’eſt à lui d’ordonner.
Malgré moi, ſes regards ont ſurpris ma tendreſſe :
Mais juſqu’à l’avouer ſi jamais je m’abaiſſe,
S’il me dédaigne enfin ; c’eſt par un fer vangeur
Qu’il me verra chercher le chemin de ſon cœur.
Il vient : Dieux tout-puiſſans, qui voyez mon ſupplice
Ne me condamnez pas à ce grand ſacrifice.