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TOMYRIS,
Tomyris.

Tu te ſouviens, ingrat, de ce qu’a fait ma haine ;
Et ne comptant pour rien ce qu’a fait mon amour,
Tu ne te ſouviens pas qu’il t’a ſauvé le jour !
Prête à te voir perir, de quel effroi glacée,
Entre mon fils & toi je me ſuis avancée !
Dis, cruel, as-tu vu balancer un moment
Mon cœur entre l’amour & le reſſentiment ?
Mais que fais-je, grands Dieux ! je vois ſa haine extrême ;
Et je puis ſans rougir lui dire que je l’aime !
Et je puis me réduire au deſeſpoir affreux
De faire vainement un aveu ſi honteux !
Triomphe ; tu le dois : ta Victoire eſt entiere ;
Tomyris à tes yeux a ceſſé d’être fiere :
Mais crains une vengeance où tu me vois courir :
Je ne dis plus qu’un mot : Veux-tu vivre, ou mourir ?
Ce choix eſt important, peſe bien ta réponſe,
Et dicte-moi l’arrêt qu’il faut que je prononce.
Parle, c’eſt trop long-tems ſuſpendre mon courroux.

Cyrus.

Si l’arrêt de mon ſort doit dépendre de vous,
Puis-je faire aucun choix qui ne bleſſe ma gloire ?
C’eſt des Dieux que j’attens la mort ou la victoire.

Tomyris.

Et moi, malgré ces Dieux, je veux faire ton ſort.
Va, rentre dans tes fers, & n’attens que la mort.