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TRAGEDIE.

Arrie.

Hé bien ! puiſqu’il le faut, je vais ne vous rien taire.
Sous un fer meurtrier j’ai vu tomber mon pere.
Vous le ſçavez, Seigneur, & ce coup inhumain
Par un injuste arrêt partit de votre main.
Quoi ! je pourrois encor, peu ſenſible à ma gloire,
Flétrir mes triſtes jours d’une tache ſi noire,
Et ſouffrir que la main qui l’a mis au tombeau,
D’un hymen ſi coupable allumât le flambeau !
J’irois dans les enfers faire rougir ſon ombre !
Et de ſes aſſaſſins j’augmenterois le nombre !
Ha ! Seigneur, voulez-vous qu’après ſon triſte ſort
Une ſeconde fois je lui donne la mort ?
Quelle funeſte image à mes yeux ſe préſente !
Souffrez dans mes malheurs que je ſois innocente ;
Et qu’aumoins par les Dieux mon cœur perſécuté.
Eprouve leur courroux ſans l’avoir mérité.

Claudius.

Si l’on ſacrifia Silanus votre pere,
Pour aſſurer mes jours ſa mort fut néceſſaire.
On doit tout redouter d’un ſujet trop puiſſant,
Et dès qu’il eſt ſuſpect, il n’eſt plus innocent.
Le poids de ſes grandeurs l’entraîne au précipice.
Mais je veux qu’un arrêt dicté par l’injuſtice
Ait frapé Silanus d’un coup trop inhumain :
Puis-je mieux le venger qu’en vous donnant la main ?
Quel triomphe pour vous ! une éternelle chaîne
Vous fera ſur mon cœur regner en ſouveraine.