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DE CESAR.

Quelque inconſtant que ſoit l’empire de Neptune,
J’ai commis à ſes flots Céſar & ſa fortune :
Mais de quelque ſuccès qu’on oſe ſe flatter,
L’inconſtance du peuple eſt plus à redouter.

Antoine.

Sa faveur, je le ſçai, n’eſt pas long-temps durable !
Mais, Seigneur, un ſeul jour, un moment favorable,
Vous ne l’ignorez pas, eſt ſouvent d’un grand prix.
Ah ! ſi vous aviez vu l’ardeur…

César.

Ah ! ſi vous aviez vu l’ardeur… J’ai tout appris,
Antoine, & ſi j’obtiens la ſuprême puiſſance,
Vous devez être ſûr de ma reconnoiſſance :
Mais puiſque votre foi brille avec tant d’éclat,
Employez-en l’ardeur à gagner le Senat ;
C’eſt par là qu’il vous faut achever votre ouvrage ;
A la faveur du peuple ajoûtez ſon ſuffrage.
Pour voir tous les Romains à mes pieds abatus,
J’ai beſoin du Senat, & ſur-tout de Brutus.

Antoine.

Qu’entens-je ? A vos deſirs Brutus ſeroit contraire ?
Lui qui de vos bontés tient le jour qui l’éclaire.
Trop fidelle au parti que reprouva le ſort,
Au ſortir de Pharſale il eût trouvé la mort ;
Il l’attendoit du moins : votre cœur magnanime
Suſpendit à nos yeux un couroux legitime ;
Et le rang où depuis votre faveur l’a mis,
Eût pu remplir les vœux de vos plus chers amis.