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DE CESAR.

J’implore le ſommeil, & le ſommeil me fuit ;
Et lorſque loin de moi toute paix eſt bannie,
J’entens pour m’accabler la triſte Calpurnie,
Qui s’éveille en tremblant, & fremiſſant d’horreur,
Croit voir des aſſaſſins qui me percent le cœur.

Albin.

O Ciel !

Cesar.

O Ciel ! L’eſprit frapé d’un ſi ſanglant ſpectacle,
Elle va de Preneſte interroger l’Oracle.
Ne crois pas toutefois que la peur du trépas
Puiſſe allarmer un cœur nourri dans les combats.
Je ne crains point la mort, je crains l’ignominie,
Suite affreuſe du crime & de la tyrannie.
Pour tout autre malheur je ſerois ſans effroi :
Mais je frémis du nom que je laiſſe après moi.
Faut-il, ingrats Romains, faut-il, cœurs infideles,
Que, pour vous rendre heureux, ayant pris pour modeles
Les plus fameux Heros, & les Rois les plus grands,
Vous me faſſiez mourir de la mort des tyrans.

Albin.

Ah ! de grace aux Romains rendez plus de juſtice.
Pour Brutus je le crois capable d’artifice :
Mais il eſt généreux, & quel que ſoit ſon nom,
Il a trop de vertu pour tant de trahiſon.

Cesar.

Et c’eſt cette vertu qui le rend redoutable :
S’il a juré ma mort, elle eſt inévitable.