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DE CESAR.

Que pour voir les Romains triompher des Romains
Dans notre propre ſang nous fit tremper nos mains.
De nos diviſions ſi malgré ma clémence,
Il reſte dans les cœurs encor quelque ſemence,
Apprenez quels chemins je prens pour l’y chercher.
Sans employer le fer je l’en veux arracher ;
Et pourquoi recourir à cet affreux remede,
Qui fait qu’au premier mal un plus grand mal ſuccede ?
Non de moi les Romains doivent mieux eſperer :
Je veux les reunir ; mais ſans les déchirer.
Que l’hymen entre nous forme ces douces chaînes ;
Dans nos embraſſemens qu’il étouffe nos haines ;
Qu’aux vaincus à jamais uniſſant les vainqueurs,
Dans une paix profonde il tienne tous les cœurs.
Madame, c’eſt à vous à donner la premiere
Un aveu dont l’exemple entraîne Rome entiere.
En vain je la parcours pour trouver un Romain.
Qui merite l’honneur de vous donner la main :
Je n’y vois rien du prix d’une telle conquête ;
Et ſur le ſeul Antoine enfin mon choix s’arrête.

Porcie.

Quand les ſoins de Céſar deſcendent juſqu’à moi,
J’ai ſi peu mérité l’honneur que j’en reçoi,
Que mon eſprit confus cherche encor à comprendre
Si l’on adreſſe à moi ce que je viens d’entendre.
Je vous dirai pourtant qu’un ſort ſi glorieux,
En flatant mon orgueil, n’éblouit point mes yeux.
Oui, je vous dois beaucoup : mais quand je conſidere