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DE CESAR.

Le bonheur de Brutus est pour moi trop fatal :
Il épouse Octavie, & je suis son rival.

Cesar.

Son rival ; Dieux, qu’entens-je ? ô fortune cruelle !
O plus cruel ami ! car enfin votre zele
Avoit trop mérité ce présent de ma main ;
Pourquoi renfermiez-vous vos feux dans votre sein ?

Antoine.

Octavie est un bien si grand, si plein de charmes,
Que ma témerité me causoit des alarmes ;
Je n’osois avouer la gloire de mes fers,
Qu’en mettant à vos pieds Rome & tout l’univers.

Cesar.

Je plains de votre amour la triste destinée :
Mais enfin à Brutus ma parole est donnée.

Antoine.

Quoi Seigneur, vous pouriez insensible à mes vœux,
Aux : dépens de mon cœur rendre un rival heureux ?
Mais que dis-je ? un rival ? il n’aime que Porcie :
Il me verroit heureux sans me porter envie,
Et quand vous m’accablez du plus mortel ennui,
Le bien que vous m’ôtez n’en est pas un pour lui.

Cesar.

Je ne sçai si Brutus s’abaisse jusqu’à feindre ;
Mais de mon changement il auroit à se plaindre,
Et ce n’est pas à moi, quoi qu’il ait projetté,
De lui servir d’exemple à l’infidelité.