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DE CESAR.

Mais puisqu’à votre hymen Brutus a consenti,
Je suis heureux, ma fille, à la fin je respire ;
Je ne craignois que lui, puisqu’il faut vous le dire,
Et quoiqu’il me fût cher & qu’il fût mon ami,
A le voir seulement j’ai mille fois frémi.

Octavie.

Ah ! Seigneur, je frémis moi-même à vous entendre,
D’un noir présentiment j’ai peine à me deffendre.
Ces troubles qu’un objet en nous vient exciter,
Sont des avis des Dieux dont on doit profiter.
Brutus m’épouse, ô Ciel ! que n’ai-je point à craindre
D’une ame si longtems instruite en l’art de feindre ?
Vous formez entre nous d’indissolubles nœuds,
Qu’allons-nous devenir s’il nous trompe tous deux ?
Que seroit-ce, grands Dieux ! si la triste Octavie
Découvroit des complots, & contre votre vie ?
Par ma bouche, Seigneur, seroient-ils déclarés ?
Ses intérêts alors me seroient trop sacrés.

Cesar.

Qu’entens-je ! si Brutus un jour tramoit ma perte,
Malgré sa perfidie à vos yeux découverte,
Vous pourriez sans remords le laisser achever.

Octavie.

Je répons de mourir, mais non de vous sauver.

Cesar.

C’est, donc là tout le fruit d’un si triste Hymenée :
N’importe, poursuivons, ma parole est donnée ;