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LA MORT

Pour prix d’un zele enfin, loin de Rome éprouvé ;
A la Preture ici vous m’avez élevé.
D’un choix si glorieux ai-je trahi l’attente ?
Et qui montra jamais une foi plus constante ?
Pour détourner de moi jusqu’au moindre soupçon,
Il m’a fallu trahir la fille de Caton :
Loin d’oser murmurer de cette violence,
J’ai forcé ma douleur & ma bouche au silence,
Et l’on ne m’a pas vu par d’imprudens éclats
Animer contre vous le peuple ou les soldats.

Antoine.

Croyez-vous que César, par ce discours s’abuse ?
Pour vous justifier votre bouche m’accuse,
Et d’un crime apparent armé contre ma foi,
Vous cherchez à fixer tous les soupçons sur moi.
A César.
Seigneur, j’avourai tout, car je hais trop la feinte.
J’ai cru que mon malheur me permettoit la plainte ;
Oui, j’ai de vos soldats animé le courroux ;
Mais c’est contre Brutus, & non pas contre vous.
Voilà quel est mon crime. Ah ! quel supplice extrême,
De se voir pour jamais arracher ce qu’on aime !
Brutus a mieux caché son dépit à vos yeux :
Mais les feux renfermés n’en éclatent que mieux.

Brutus.

Vous le voyez, Seigneur, j’aurois beau me défendre,
A de nouveaux soupçons je dois toûjours m’attendre,