Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/294

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dont j’ai sans cesse devant mes yeux croyants, pour m’attirer et me guider, dans le jour, le cœur de ténèbres ; dans l’ombre, la figure.

Mais, rien pour moi. Maintenant, je suis las d’avoir trop désiré ; je me sens vieux tout d’un coup. Je ne guérirai jamais cette plaie que j’ai à la poitrine… Le rêve de calme que j’avais tout à l’heure ne m’avait attiré et tenté que parce qu’il était loin de moi. Je le vivrais que j’en rêverais un autre, puisque mon cœur, c’est un autre rêve.

Maintenant, je cherche une parole. Ces gens qui vivent ma vérité, qu’est-ce qu’ils disent quand ils parlent d’eux-mêmes ? De leur bouche sort-il l’écho de ce que je pense, ou de l’erreur, ou du mensonge ?

La nuit est tombée. Je cherche une parole semblable à la mienne, une parole où m’appuyer, où me soutenir. Et il me semble que je m’avance à tâtons comme si, au coin d’une rue, quelqu’un allait surgir pour me dire tout !

Je ne rentrerai pas dans ma chambre, ce soir. Je ne veux pas, ce soir, quitter la foule des hommes. Je cherche un lieu vivant.

J’ai pénétré dans un grand restaurant pour m’entourer de voix. A peine eus-je franchi la grande porte miroitante — qu’une livrée ouvrait et fermait continuellement — que je fus saisi par mille couleurs, mille parfums, mille murmures. Il me