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Page:Barbusse - Le Feu : journal d’une escouade.djvu/121

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» – Où allez-vous coucher ? – On trouvera bien, t’en fais pas, pour qué qu’heures qu’on a à passer ici. – On trouv’ra, on trouv’ra, c’est pas dit, que j’dis… En attendant, rentrez un instant. Un p’tit moment, c’est pas d’refus. » Et Mariette nous voit encore rentrer à la file, tous les cinq, trempés comme des soupes.

» On est là, à tourner et r’tourner dans notre petite chambre qu’est tout ce que contient la maison, vu qu’c’est pas un palais.

» – Dites donc, madame, demanda un des bonhommes, y aurait-il pas une cave ici ?

» – Y a d’ l’eau d’dans, que fait Mariette : on ne voit pas la dernière marche de l’escalier, qui n’en a que deux.

» – Ah ! zut alors, dit l’bonhomme, parce que j’vois qu’y a pas d’grenier non plus…

» Au bout d’un p’tit moment, i’ s’lève :

» – Bonsoir, mon vieux, qu’i’ m’dit. On les met.

» – Quoi, vous partez par un temps pareil, les copains ?

» – Tu penses, dit c’type, qu’on va t’empêcher de rester avec ta femme !

» – Mais, mon pauv’ vieux.

» – Y a pas d’mais. Il est neuf heures du soir ; et t’es obligé de ficher le camp avant l’jour. Allons, bonsoir. Vous v’nez, vous autres ?

» – Pardine ! que disent les gars. Bonne nuit, messieurs dames.

» Les v’là qui gagnent la porte, l’ouvrent. Mariette et moi, on s’est regardé tous les deux. On n’a pas bougé. Puis on s’est regardé encore, et on s’est élancé sur eux. J’ai attrapé un pan de capote, elle, une martingale, tout ça mouillé à tordre.

» – Jamais de la vie. On vous laissera pas partir. Ça se peut pas.

» – Mais…

» – Y a pas d’mais, que je réponds pendant qu’elle boucle la lourde. »