Page:Barbusse - Le Feu : journal d’une escouade.djvu/134

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vie, c’est qu’une fois j’ai salué un gendarme, le prenant pour un sous-lieutenant, avec ses brisques blanches. Heureusement (j’dis pas ça pour me consoler, mais parce que tout d’même c’est p’t’êt’ vrai), heureusement que j’crois qu’i’ m’a pas vu.

Un silence.

— Oui, videmment, murmurent les hommes. Mais quoi faire ? Faut pas s’en faire.

Un peu plus tard, alors que nous étions assis le long d’un mur, le dos aux pierres, les pieds enfoncés et plantés par terre, Volpatte continua son déballage d’impressions.

— J’entre dans une salle qu’était un bureau du Dépôt, celui d’la comptabilité, j’crois bien. Elle grouillait d’tables. Y avait du monde là-d’dans comme au marché. Un nuage de paroles. Tout au long des murs de chaque côté, et au milieu, des types assis devant leur étalage comme des marchands d’vieux papiers. J’avais fait une demande pour être reversé dans mon régiment et on m’avait dit : « Démerde-toi et occupe-toi z’en. » J’tombe sur un sergent, un p’tit poseur, frais comme l’œil, à lorgnon d’or – des lunettes à galon. Il était jeune, mais étant rengagé, il avait l’droit de n’pas partir à l’avant. J’y dis : « Sergent ! » Mais i’ n’m’écoute pas, en train qu’il était d’engueuler un scribe : « C’est malheureux, mon garçon, qu’i’ disait : j’vous ai dit vingt fois qu’il fallait en notifier un pour exécution au Chef d’Escadron, Prévôt du C.A., et un à titre de renseignement, sans signature, mais avec mention de la signature, au Prévôt de la Force Publique d’Amiens et des centres de la région dont vous avez la liste – sous couvert, bien entendu, du général commandant la région. C’est pourtant bien simple », qu’i’ disait.

» J’m’ai éloigné de trois pas pour attendre qu’il ait