Page:Barbusse - Le Feu : journal d’une escouade.djvu/214

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clocher pointu, flanqué de deux tourelles plus fines et plus pointues – était celle d’un grand cyprès.

Mais, quand il fait son entrée dans le village où il doit cantonner, le troupier n’est pas au bout de ses peines. Il est rare que l’escouade ou la section arrivent à se loger dans le local qui leur a été assigné : malentendus et doubles emplois, qui s’embrouillent et se débrouillent sur place, et ce n’est qu’au bout de plusieurs quarts d’heure de tribulations que chacun est mené à son définitif gîte provisoire.

Nous fûmes donc, après les errements habituels, admis à notre cantonnement de nuit : un hangar soutenu par quatre madriers et ayant pour murs les quatre points cardinaux. Mais ce hangar était bien couvert : avantage appréciable. Il était occupé déjà par une carriole et une charrue, à côté desquelles on se casa. Paradis, qui n’avait cessé de maugréer et de geindre pendant l’heure des piétinements et allées et venues, jeta son sac, puis se jeta lui-même à terre, et resta là un bout de temps, assommé, se plaignant qu’il avait les membres sans connaissance et que la semelle de ses pieds lui faisait mal ; et toutes ses coutures aussi, du reste.

Mais voici que la maison dont dépendait le hangar, et qui s’élevait juste devant nos yeux, s’éclaira. Rien n’attire le soldat comme, dans le gris monotone du soir, une fenêtre derrière laquelle il y a l’étoile d’une lampe.

— Si on faisait une virée ! proposa Volpatte.

— Tout de même, dit Paradis.

Il se soulève, se lève. Boitant de fatigue, il se dirige vers la fenêtre dorée qui a fait son apparition dans l’ombre ; puis vers la porte.

Volpatte le suit et moi je viens après.

On entre, et on demande au vieux bonhomme qui nous a ouvert et qui présente une tête clignotante, aussi usée qu’un vieux chapeau, s’il a du vin à vendre.

— Non, répond le vieux en secouant son crâne où un peu d’ouate blanche pousse par places.