Page:Barbusse - Le Feu : journal d’une escouade.djvu/341

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ces lenteurs qui se répercute dans les tronçons d’arrière de la colonne, en flottements, en engorgements avec parfois des freinages brusques.

Dès les premiers pas dans le Boyau Couvert, une lourde obscurité nous tombe dessus et, un à un, nous sépare. Une odeur de caveau moisi et de marécage nous pénètre. On distingue au plafond de ce couloir terreux qui nous absorbe, quelques rais et trous de pâleur : les interstices et les déchirures des planches du dessus ; des filets d’eau en tombent par places, abondamment, et, malgré les précautions tâtonnantes, on trébuche sur des amoncellements de bois ; on heurte, de flanc, la vague présence verticale des madriers d’étai.

L’atmosphère de cet interminable passage clos trépide sourdement : c’est la machine au projecteur qui y est installée et devant laquelle on va passer.

Au bout d’un quart d’heure qu’on tâtonne, noyés là-dedans, quelqu’un, excédé d’ombre et d’eau, et las de se cogner à de l’inconnu, grogne :

— Tant pis, j’allume !

Une lampe électrique fait jaillir son point éblouissant. Aussitôt, on entend hurler le sergent :

— Vingt dieux ! Quel est l’abruti complètement qui allume ! T’es pas dingo ? Tu n’vois donc pas qu’ça s’voit, galeux, à travers l’parquet !

La lampe électrique, après avoir éveillé, dans son cône lumineux, de sombres parois suintantes, rentre dans la nuit.

— C’est rare que ça s’voit, gouaille l’homme, on n’est pas en première ligne, tout de même !

— Ah ! ça s’voit pas !…

Et le sergent qui, inséré dans la file, continue à se porter en avant, et, on le devine, se retourne en marchant, entreprend une explication heurtée.

— Espèce d’nœud, bon Dieu d’acrobate…

Mais, soudain, il brame à nouveau :

— Encore un qui fume ! Sacré bordel !