Page:Barbusse - Le Feu : journal d’une escouade.djvu/49

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tailler les barbes. Et les douilles, à la tondeuse, rasoche !

— Ta bouche, mon gros ! dit Barque, dont le toupet est directement menacé par cette consigne. Tu m’as pas ar’gardé. Tu peux t’mettre la tringle.

— Tu m’dis ça à moi. Fais-le ou fais-le pas. J’m’en fous pas mal.

À côté des nouvelles positives, écrites, il y en a de plus amples, mais aussi plus incertaines et plus fantaisistes : la division serait relevée pour aller soit au repos – mais au vrai repos, pendant six semaines – soit au Maroc, et peut-être en Égypte.

— Eh… Oh !… Ah !…

Ils écoutent. Ils se laissent tenter par le prestige du nouveau, du merveilleux.

Quelqu’un cependant demande au vaguemestre :

— Qui t’a dit ça ?

Il indique ses sources :

— L’adjudant commandant le détachement de territoriaux qui fait les corvées au Q.G. du C.A.

— Au quoi ?

— Au quartier général du corps d’armée… Et y a pas que lui qui le dit. Y a, tu sais bien, l’client dont je ne sais plus le nom : celui qui ressemble à Galle et qui n’est pas Galle. Il a je n’sais plus qui dans sa famille qui est je n’sais plus quoi. Comme ça, il est renseigné.

— Et alors ?

Ils sont là, en cercle, le regard affamé, autour du raconteur d’histoires.

— En Égypte, tu dis, nous irions ?… J’connais pas. J’sais qu’y avait des Pharaons du temps où j’étais gosse et que j’allais à l’école. Mais depuis !…

— En Égypte…

L’idée s’ancre insensiblement dans les cervelles.

— Ah non, dit Blaire, parce que j’ai l’mal de mer… Et, après tout, ça n’dure pas, l’mal de mer… Oui, mais que dirait la patronne ?

— Que veux-tu ? elle s’y fera ! On verra des nègres et