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AUGUSTA HOLMÈS ET LA FEMME COMPOSITEUR

de cette étude, je relaterais, à son exemple, les réminiscences à l’état le plus frappant dans des pages de Brahms, de Wagner, de Bizet, de Hændel et de tant de maîtres dont l’originalité est reconnue, incontestablement éclatante[1].

J’ai vu Rubinstein porté en triomphe à l’issue de la première de son Néron à l’Opéra de Saint-Pétersbourg[2], je l’ai vu en qualité de virtuose au faîte d’un prestige incomparable, on le traitait littéralement comme un Dieu sur terre. Je l’ai entendu souvent, j’étais bien jeune et lui à l’apogée du talent, presqu’à la fin de son éblouissante carrière[3] ; la puissance, la grandeur, la poésie, la fascination qui se dégageaient des interprétations de ce prodigieux pianiste atteignaient à un tel degré d’intensité, que mon esprit en reçut une empreinte ineffaçable qui, après plus de

  1. L’originalité ne consiste pas à ne point rappeler fugitivement qui que ce soit, mais à posséder un style, une manière, qui impose un nom à notre esprit dès l’audition ou l’aspect d’un ouvrage. Il faut n’avoir jamais étudié Rubinstein pour ne pas le reconnaître sans hésitation dès la première page.
  2. Des jeunes gens avaient dételé les chevaux de la voiture attendant Rubinstein à la sortie du théâtre, et quand, au milieu d’un délire d’enthousiasme, il fut monté, quelques-uns de ses admirateurs portèrent, jusqu’à son hôtel, le maître que des acclamations indescriptibles escortaient.
  3. Sa dernière grande tournée de concerts eut lieu en 1886. Dans chaque capitale il donna, en trois semaines, sept récitals historiques, où les différentes écoles étaient représentées dans leur classement chronologique. Assez récemment à Paris, la pianiste bien connue, Berthe Marx-Goldschmidt, a eu, en souvenir du Maitre Russe, la touchante pensée de reproduire intégralement les sept programmes de Rubinstein. Elle le fit avec une belle vaillance, et c’est, surtout de la part d’une femme, un tour de force et de talent peu banal.