Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/181

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Poe. S’il arrivait — et cela est toujours arrivé — qu’on désertât la lutte contre les instincts mauvais, c’était sans se considérer comme justifié d’avance. On croyait alors qu’il restait le secours divin quand le secours humain manquait. Cette pensée avait heureusement supprimé l’inéluctable pour l’imagination, et c’est être déjà à moitié vainqueur que de croire à la victoire. La foi, qui fait marcher les paralytiques, donne aussi des forces contre la tentation. Les plus incroyants ne peuvent refuser à la religion d’avoir donné à l’homme un puissant tremplin pour les grands élans et les efforts désespérés, ne fût-ce que par la confiance qu’elle lui mettait au cœur, et qu’aujourd’hui il a perdue.

Edgar Poe était dans sa douzième année quand les Allan le ramenèrent en Amérique. L’ombre expiatoire qui ne devait pas tarder à l’envelopper devenait visible ; il faudrait avoir renoncé à tout sentiment d’humanité pour lui refuser la pitié qu’il sollicite.


II

À son retour d’Europe, il poursuivit ses études dans une école de Richmond, admiré des autres écoliers, plutôt qu’il n’en était aimé, pour ses brillantes facultés et son adresse aux exercices du corps : « Malgré toutes ses supériorités, raconte l’un d’entre eux[1], il n’était pas l’âme de l’école, ni même son favori… Poe était volontaire, capricieux, souvent impérieux et pas toujours bon, ni même aimable, quoiqu’il eût le pre-

  1. Le colonel John Preston.