Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/19

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trop pitoyable pour mon mépris, commence à me traiter avec une indignation que je ne mérite vraiment pas. » (22 septembre 1795.)

Le « gros sire » avait ses raisons, qui n’étaient pas toutes mauvaises. Son neveu passait son temps à le mystifier, sous prétexte qu’il était né humoriste, et le petit vieillard ne trouvait pas cela convenable. « L’humour, disait Hoffmann, n’a rien de commun avec son avorton de frère, le persiflage. » Mais l’oncle Otto n’entrait pas dans ces distinctions, et la moutarde lui montait au nez de servir de plastron à ce galopin. Il lui en voulait aussi d’avoir mal placé son cœur dès la seconde fois qu’il était devenu amoureux. Leurs relations devenaient difficiles, et il était urgent de se séparer. En 1796, Hoffmann avait terminé cahin-caha ses études de droit et passé un examen qui lui ouvrait la carrière de la jurisprudence. Il comprit la nécessité de quitter Kœnigsberg et partit pour la petite ville de Glogau, en Silésie, où il était assuré d’une situation « dans les bureaux de la régence ». L’oncle Otto en était arrivé à ses fins : son neveu était en passe de devenir à son tour conseiller de justice.

Hoffmann avait vingt ans. De sa personne, il avait l’air d’une plaisanterie spirituelle de la nature. C’était un rien d’homme très jaune et très laid, avec des cheveux bruns tout hérissés qui lui mangeaient le front, et si fluet qu’il passait partout, si vif qu’il lui était impossible, avec la meilleure volonté du monde, de rester une seule minute tranquille ; quand son corps ne pouvait absolument pas bouger, son visage vibrait — le mot est de lui — et faisait cent grimaces à la minute. Sa physionomie était malicieuse, et il parlait si vite qu’on le comprenait à peine.

Au moral, beaucoup d’esprit, mais du plus mordant, beaucoup de fantaisie, mais tournée à la caricature, et