Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/322

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théâtral. Celui-ci le revendit aux frères Cogniard, qui le signèrent après des remaniements dont eux seuls auraient pu dire l’importance[1]. Tout ce qu’il est permis d’affirmer, c’est que Pruneau de Tours est inepte sous sa forme actuelle.

Une seule pièce, parmi celles qui se sont conservées, porte d’un bout à l’autre la marque de Gérard de Nerval, malgré la collaboration, aisément envahissante, d’Alexandre Dumas. C’est un drame en cinq actes, Léo Burckart, qui fut joué à la Porte-Saint-Martin, en 1839, pour boucher un trou. Harel, le directeur, avait dit à Gérard : — « J’attends un éléphant ; la pièce n’aura donc qu’un nombre limité de représentations. » Elle en eut trente, grâce à un retard de l’éléphant.

Le sujet du drame appartient sans le moindre doute à Gérard de Nerval ; il répond à l’une des grandes préoccupations de sa vie entière, celle d’apprendre à la France à connaître l’Allemagne. S’il est un domaine de la pensée où il ait exercé une influence, c’est celui-là. Nul, en France, n’a plus aimé l’Allemagne, à une époque où les sympathies étaient pourtant nombreuses et vives, parmi nos écrivains et nos lettrés, pour la pensée et la littérature germaniques, et aussi pour l’âme germanique, qui n’avait encore découvert à nos yeux que sa face mystique et attendrie. Ces sympathies pouvaient alors se donner libre carrière ; rien ne s’y opposait, ni les événements politiques, ni l’entrée en scène de l’Allemagne militaire et utilitaire, dont le seul aspect aurait mis Gérard de Nerval en fuite, car tout en elle lui aurait fait horreur, ses qualités plus encore que ses défauts. Il ne soupçonna même pas qu’elle pût jamais être possible, et il contribua par

  1. Maurice Tourneux, Gérard de Nerval.