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L’APPEL AU SOLDAT

Nelles, en tendant la main au jeune homme, — que M. Sturel vous apporte son talent et son activité, c’est une raison de plus pour aimer votre cause, parce qu’en voyant l’élite de la jeunesse y collaborer, on ne peut plus douter du succès.

— Mais quelqu’un en doute-t-il ? demanda le Général.

— Personne ! répondirent avec un élan joyeux tous ces hommes et ces femmes approchés par la curiosité et qui maintenant lui faisaient une couronne d’enthousiasme.

— Ma foi ! si la France le veut !… Le diable d’homme ! — déclaraient les derniers réfractaires.

La contagion du succès réduisait des répugnances jusqu’alors invincibles aux arguments. MM. Arthur Meyer et Dillon, celui-là avec un sourire, celui-ci avec des larmes, triomphaient. Maintenant les lieutenants de Boulanger étaient aimés par ce salon qui les avait accueillis plutôt en bêtes curieuses. À défaut du chef, accaparé par les politiques, on se ménageait leur appui. Nelles entoura Sturel de prévenances qui effacèrent le plus gros de leur vieille antipathie. Toutes querelles privées ne doivent-elles pas céder quand on sert une même cause ? Quelqu’un, avec un immense succès, définit le boulangisme « le Dégoût collecteur ».

La réunion, d’abord un peu froide, devenait cordiale. Ces invités qu’avaient décidés l’entraînement mutuel et la déférence à des recruteurs haut placés, cessèrent d’être des voyeurs ou des diplomates pour devenir des Français autour d’un homme qui possédait le don de faire dominer les qualités françaises. Ils reçurent de Boulanger ce qu’une telle nature