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BOUTEILLER ET LE PARLEMENT

Chambre se met à agir en conformité avec ces indignations factieuses qui l’assaillent de toutes parts ! Triste assemblée qui ne prend pas ses décisions en elle-même, mais qui suit les volontés du dehors. Ses ennemis la font marcher avec des injures, comme un troupeau avec des mottes de terre.

Dans les couloirs, tous les parlementaires grouillaient bouleversés par une pitié de leur ancien camarade et par la crainte de ses ressentiments. Contraints à le broyer par la peur de cette moralité publique qui le condamnait, ils cherchaient des officieux pour lui transmettre leurs excuses. Durant cette heure, Bouteiller fut assailli par les idées où seuls atteignent à l’ordinaire certains philosophes les plus lucides, à qui leurs méditations ont permis de prendre conscience de la perversité et de la bassesse humaines. Le désordre et la laideur de ces politiciens, chez qui il reconnaissait moins de conscience politique que dans une station de fiacre quand les cochers lisent leurs journaux, lui inspirèrent un invincible dégoût.

Régulièrement, le député de Nancy, s’il discourt avec ses collègues sur les intérêts publics, ne tolère pas les niaises généralités qu’échangent ces hommes sans instruction ni réflexion, fort capables d’intriguer selon leurs intérêts, mais non de penser des idées. Qu’on l’approuve ou le contredise, ce fils d’ouvrier fier de sa science, sans qu’un muscle de son visage trahisse la possibilité d’une disposition sympathique, semble toujours dire, rien que par sa main tendue : « Pardon, je vous arrête ! et ce n’est pas, comme vous pouvez le croire, sur le fond, mais votre raisonnement lui-même ne tient pas ! C’est élé-