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BOUTEILLER ET LE PARLEMENT

petits moyens ! Il n’y a pas à négocier avec les adhérents du boulangisme pour racheter un à un des condottieri que ces puérils marchandages enhardiront. Il n’y a pas non plus à surprendre la faveur populaire en rivalisant avec un faiseur de dupes qui possède le bas génie de la réclame. Ce bateleur frivole flotte sous la poussée des foules qui veulent un Messie. Laissons-lui les parades, et, reprenant nos assises, affermissons-nous sur notre tradition et sur nos équipes premières.

Avec son mépris ordinaire du fretin, Bouteiller ne tint aucun compte des petits découragements ni des petites habiletés de couloirs.

— Dès qu’on commencera de marcher, disait-il, on saura bien forcer à suivre ceux qui ne consultent que leur salut individuel et qui se donnent pour programme de bataille le cri de : « Sauve qui peut ! »

Il s’adressa aux chefs de toutes les fractions républicaines. À Clemenceau d’abord.

— Le succès de Boulanger, lui répondait celui-ci, est la réponse des masses populaires à la politique d’ajournement.

Bouteiller accueille ces récriminations sans les contredire, comme des préliminaires de protocoles. Seulement il surveille les airs de visage. Que ce radical, avec des effronteries du poing sur les tables, rejette toutes les responsabilités de la crise sur les modérés, soit ! il demeure dans son rôle ; mais derrière ses paroles, il y a son sourire qui semble dire : « Débrouillez-vous ! »

Ce Clemenceau, c’est un partisan résolu du gouvernement des assemblées où ses qualités éminentes de tacticien trouvent leur emploi, mais c’est surtout