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L’APPEL AU SOLDAT

Bouteiller et Ferry prennent sur-le-champ contact avec le parti protestant, si puissant au Sénat, dans les hautes administrations, et qui a pour organe le Temps. Puis ils disent aux réactionnaires :

— Le boulangisme, c’est une, aventure. Nous sommes le gouvernement, c’est-à-dire la force conservatrice qui tient ensemble les parties du corps social au milieu du conflit des passions et des intérêts. Notre première préoccupation est de sauvegarder les droits acquis, d’administrer, de régir la France que nous avons reçue de nos aïeux et que nous devons transmettre à nos enfants. Que la République soit le gardien de ce patrimoine, voilà qui ne vous plaît pas, messieurs les conservateurs ! Soit ! mais qu’espérez-vous du boulangisme ? Le principe dynastique paraît avoir épuisé toute vitalité dans notre pays : le chef de la maison de France se fait plébiscitaire et les bonapartistes vont au boulangisme comme l’eau va à la rivière. Cette aventure ne jettera pas à terre, comme, vous l’espérez sans doute, la forme républicaine, mais elle menace quelque chose de plus haut et de plus profond : le gouvernement des Assemblées, qui a fait l’honneur de la France pendant trente ans de monarchie parlementaire, et pendant vingt ans de République. Ne voyez-vous pas le péril de tout ce qui fit la passion de notre jeunesse et la dignité de notre âge mûr !

De tels discours flattaient le vieux monde des libéraux. Des relations commencées à la conférence Molé et perpétuées dans des assauts électoraux, pour n’avoir été qu’un continuel échange d’invectives et d’insinuations désobligeantes, finissent par créer à certaines natures des habitudes qui valent une ami-