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L’APPEL AU SOLDAT

s’il consacre son exil à cette direction personnelle pour laquelle il se juge indispensable.

Sturel se rend le 2 avril à Bruxelles. Avec son tempérament chevaleresque, — ce qui est esthétique, mais implique bien de la frivolité, — et attachant plus d’importance à se bien comporter qu’à atteindre son but, il arrivait peu à peu à la fidélité quand même ! Il ne voulait pas savoir si Boulanger différait de l’image populaire et nationale qu’en 1887 la France avait prise pour son drapeau. Ce loyalisme se compliquait d’une certaine loyauté de joueur ; il y avait entre eux partie liée.

Dans cet hôtel Mengelle envahi par des amis, par des journalistes et par des agents de tous poils qui assaillaient le Général, comme des mouches qu’on essaie vainement de chasser, il sentit un homme nerveux, surmené dans son triple rôle de chef qui doit être sûr du succès, de tacticien qui dans une coalition audacieuse discipline des éléments réfractaires, et d’amant préoccupé de sa maîtresse. Par deux fois, Boulanger interrompt sa conversation avec Sturel pour passer dans la pièce voisine où Mme  de Bonnemains souffrait d’une grave pleurésie.

Le soir, après dîner, dans ce va-et-vient d’un hôtel, sous la lumière électrique, avec toutes portes ouvertes sur le boulevard, où par cette douce soirée des curieux stationnaient, quel étrange spectacle de bohème politique et d’exil ! Debout dans le vestibule, Naquet en fumant des cigares, aimable camarade avec tous, l’air d’« un vieux frère aîné », développait indéfiniment son thème :

— J’ai déjà mes renseignements. Les paysans sont ravis du bon tour joué par Boulanger au mi-