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L’APPEL AU SOLDAT

papier imprimé, évolua sans secousse. Sturel, le pressant de venir à Bruxelles, il s’étonna. Il ne disait plus : « Nous autres ». Il parlait des boulangistes avec une entière liberté d’esprit et ne craignait pas de marquer une sorte de regret sympathique de leurs « fautes contre la République, qu’il avait tout fait pour empêcher ». Sturel, indigné, le mit au pied du mur.

— Je ne fais pas de politique avec les amoureux, répondit-il.

Et il s’expliqua sur l’ami de Mme  de Bonnemains.

— C’est une duperie de soigner un intérêt que l’on considère comme le plus grave avec un homme capable de tout sacrifier à la requête d’une tierce personne sur qui l’on manque de prise.

Il noya cette déclaration dans un flot de politesses où revenait sous plusieurs formes l’idée de souvenirs inoubliables, et il chargea son ami de l’excuser auprès du Général sur ce que ses soins électoraux le retenaient en France. Effectivement, dès le mois de mai, sacrifiant ses intérêts du Palais, il retourna chez ses parents à Bar-le-Duc, d’où il multiplia les seuls efforts utiles, ceux du candidat auprès des électeurs. En même temps, du mieux qu’il put et sans les ébruiter, il renoua ses relations avec Bouteiller.

Les événements se pressaient. La Chambre vota, le 4 avril, l’autorisation de poursuivre ; le 8, on eut la convocation de la Haute Cour, le 12 sa constitution. Le 25, Boulanger, menacé d’expulsion, passa de Bruxelles à Londres. Un vent de haine embrasait la France. Quelques milliers de fonctionnaires brisés ne suffisaient pas à déterminer la guerre civile, mais