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L’APPEL AU SOLDAT

quand les deux cyclistes passèrent sous la roche d’Affriqùe ; les Romains avaient trouvé là un retranchement celte qu’ils consolidèrent ; de nos jours, le génie y élève une redoute contre l’éternel envahisseur germain.

Dans cette région de solitude, protégée de Nancy par les bois épais de la Haie, s’épanouit la flore rarissime de Lorraine : le « sabot de la vierge », pareil aux orchidées de serre, et cette toute petite fleur rose qui, vers la Pentecôte, pousse au grand soleil sur des buissons d’aiguilles pourpres. Jusqu’à Toul, Sturel et Saint-Phlin ne se laisseront plus divertir, et ce silence, auquel l’obscurité ajoutait encore, les donnait tout aux leçons de la terre et des morts.

(De Toul à Pont-à-Mousson, 36 kil.)

Leur troisième étape allait être si courte, même en préférant au chemin direct la courbe profonde de la Moselle, que Saint-Phlin remit le départ à six heures du soir : on dînerait dans une des auberges mosellanes, nombreuses sur ce parcours, où sont les rendez-vous des promeneurs nancéiens.

Ils circulèrent toute la journée à l’ombre de la belle cathédrale, dans les froides et graves petites rues de Toul, morte oublieuse d’elle-même, mais dont le passé ne cède à aucune cité de France ou d’Allemagne.

C’est un grand plaisir de parcourir ainsi les villes en profitant des empreintes lentement données par les hommes et sans supporter les conditions du particularisme, par exemple, tout ce que les petits endroits contiennent de taquineries, de curiosités