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L’APPEL AU SOLDAT

Saint-Phlin et Sturel, à mesure qu’ils maintiennent leur pensée sur ce que veut détruire l’Allemagne, voient avec plus d’horreur l’étendue du crime projeté et avec plus de lucidité sa démence. Ce n’est pas en jetant de la terre sur des cadavres, une formule insolente sur des siècles d’histoire et un vocabulaire sur des consciences qu’on annule ces puissances et qu’on empêche le phénomène nécessité par l’accumulation de leurs forces. Au cimetière de Chaumière, devant un sable mêlé de nos morts, la piété pour les martyrs, la haine contre les Français qui mésusent de la patrie, l’opposition à l’étranger, tout cet ensemble de sentiments habituels aux vaincus et portés au paroxysme par le lieu, déterminent chez les deux pèlerins un mouvement de vénération. Leur cœur convainc leur raison des grandes destinées de la France et par un coup subit trouve ici son état le plus propre à recréer l’unité morale de la nation.

Alors depuis ces tombes militaires, l’imagination de Sturel et de Saint-Phlin se tourne vers quelques penseurs en qui ils distinguent la connaissance et l’amour des éléments authentiques de la France. La patrie, si on continuait à l’entamer, saurait trouver un solide refuge dans de telles consciences. Une demi-douzaine de ces hommes suffisent à conserver le bon ferment pour notre renaissance. Et par-delà les frontières que notre influence ne franchit plus, le verbe français où ils déposent des idées si fortes et si bienfaisantes conquiert encore des intelligences, de telle sorte que par leur action notre génie contraint à l’hospitaliser ces mêmes races qui avaient juré de l’anéantir.

Avec un sentiment filial qu’ils n’éprouvèrent jamais