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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

libertés, qu’ils n’entendent plus exactement selon nos dogmes révolutionnaires. Aujourd’hui, on intervenant sur le territoire de Trêves, à quels intérêts nous lierons-nous ?

— Quand Louis XV a annexé la Lorraine, répliquait Sturel, il ne s’est pas préoccupé de prendre le fil des destinées lorraines, de réaliser l’idéal particulier de ses nouveaux sujets.

— Pardon ! les deux pays se confondirent quand la France, par sa Révolution, adopta en Lorraine les intérêts des petites gens et satisfit l’idéal libéral… D’ailleurs, je t’accorde qu’il y a des exemples de peuples contraints rien que par la force à confondre leurs destinées interrompues avec les volontés du vainqueur ! Nous venons même de voir un essai de cette méthode à Metz, et jadis la maison capétienne en usa vigoureusement. (L’histoire de la formation d’une nationalité renferme des choses douloureuses qu’il faut cacher. Maintenons un peu de mystère aux racines de l’idée de patrie. Pour amalgamer une France, il faut des mesures exceptionnelles, et il ne conviendrait pas d’inviter tout le monde à s’enfoncer dans des recherches sur ces préliminaires, car il pourrait arriver que certains esprits généreux et étroits n’acceptassent pas les injustices du passé. Pour ma part, beaucoup d’esprit historique, beaucoup d’esprit social, me décident avec peine à excuser la manière dont nous fûmes francisés…) Mais une démocratie fait-elle de sa force l’usage que pouvait s’en permettre la maison capétienne ? Et que vaut notre force ?

— Tu conclus que nous devons, même en doctrine, céder la place à la Prusse ?