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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

nouveau pour moi, mais à voir dans sa maison cette paix et cette dignité, j’appréciai plus justement le parti que je pouvais tirer de ma terre de famille.

Les deux jeunes gens prolongèrent avant dans la soirée, la conversation sur Mistral. Saint-Phlin à commenter sa visite et Sturel à l’entendre s’enthousiasmaient. S’ils avaient pris dans leur jeunesse l’habitude de versifier, certainement ils eussent fait cette nuit-là de bonnes poésies.

(De Trêves à Coblence, 163 kil.)

Après deux jours pleins, ils sortirent de Trêves, un matin, dès la première heure et quand le brouillard vêt encore les petits villages romantiques d’un bleu de tourterelle. Nul souci de la tonnelle où dîner, de l’arbre où s’abriter contre la grosse chaleur, de l’auberge du soir : jusqu’au Rhin, la Moselle ne fait plus qu’un sinueux sentier de plaisir, tout bordé de modestes et charmantes, villégiatures. Rien ne presse les deux touristes ; ils rêvent avec le paysage et font provision de fraîcheur. Ils admirent les vapeurs, celles qui rampent sur l’eau courante en la cachant et celles qui, accrochées aux vignobles des collines et aux rochers de grès rouge, hésitent à monter pour devenir pluie ou a descendre pour dégager le soleil. Ils sentent leurs vingt-six ans, jeunes, allègres, et leurs yeux frais rajeunissent encore l’univers, qui leur est d’autant plus amical que seuls ils assistent à son éveil.

Voici Pfalzel, où se déroula l’aventure de Geneviève, fille du duc de Brabant et par mariage comtesse de Pfalzel. Siegfried, son mari, s’en allant guerroyer