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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

allumés par Louis XIV et qui charbonnent encore ces pierres branlantes. Mais le petit peuple mosellan, consterné des rudesses de l’opération, n’en distingua point les conséquences sociales.

Ce fut un grand malheur : les sympathies de la vallée évidemment n’auraient pas épargné au Grand Roi la dure obligation de détruire sa forteresse de Mont-Royal, que Sturel et Saint-Phlin tout à l’heure cherchaient des yeux près de Trarbach, mais les haines soulevées ont indéfiniment desservi la France dans ces régions. Et pourtant Louis XIV, quand il délivrait ce pays de cette suite ininterrompue de donjons, précédait utilement les armées de la Révolution ; il collaborait à ruiner les petits pouvoirs féodaux. On doit compter ses dévastations parmi les préliminaires indispensables de l’Unité allemande, au profit de la Prusse. Épuisée par des siècles d’anarchie, cette terre quand on la dégagea ne put se ressaisir. Aujourd’hui, et c’est une grande moralité, des banquiers de Berlin, enrichis par les prospérités commerciales dont le traité de Francfort fut le signal, relèvent, pour s’en faire des maisons de plaisance, les manoirs mosellans.

À l’un des innombrables tournants de la rivière, vers quatre heures de l’après-midi, Cochem apparaît soudain dans son petit appareil théâtral, et satisfait l’œil comme un décor qui devait être ici et qui ne pourrait être ailleurs. Véritable composition-type, gentil jouet de la Basse-Moselle, un peu troubadour, marqué à la fois du style Restauration et de civilisation rhénane. C’est d’abord, au long de la Moselle qui fait ses voltes, une ligne assez épaisse de mai-