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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

comtes d’Eltz, les châteaux de Pommern, de Wildenburg, de Treis, la tour de Bischofstein, l’église Saint-Martin à Münster-Maifeld, le château de Thurn la maison des chevaliers de Wiltberg à Alken, puis le Tempelholf, la Chapelle Saint-Mathias, l’Oberburg et le Niederburg des seigneurs de Cobern. Sturel et Saint-Phlin se préoccupent d’organiser dans leur connaissance, pour en tirer un profit intellectuel immédiat, tous les éléments de ce paysage.

Dans quelles conditions les institutions féodales, si fortement individualistes, se substituèrent-elles aux latines, les plus imprégnées qu’on vit jamais de l’idée abstraite de la Loi ? La société gallo-romaine, à la veille des invasions germaniques, préparait-elle la voie aux institutions aristocratiques où l’Europe allait marcher pendant huit siècles ? Les villas qu’Ausone a vu enrichir ces pentes devinrent les donjons, refuges du grand propriétaire et des classes rurales qu’il exploitait et protégeait. Redescendu après des siècles de sa tour, le hobereau terrien domine les villages de cultivateurs et commande les recrues de la vallée dans l’armée de l’Empire. Les laboureurs, les bergers, les vignerons, les charpentiers, les maçons, les tisserands, tous ces serfs ou colons qui, du temps romain jusqu’à ce siècle, appartinrent au maître du sol, vivent aujourd’hui dans les mêmes soucis, les mêmes occupations et la même dépendance que connurent leurs pères. La force des choses, plus puissante que le droit politique, maintient un esprit féodal. Au-dessous de cette aristocratie riche et entreprenante qui dirige les affaires publiques, soit personnellement, soit comme déléguée d’un pouvoir éloigné, la vie n’a pas