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L’APPEL AU SOLDAT

— Tu diras qu’il leur faut une conférence de Déroulède ou de Laguerre. L’important, c’est de raconter notre voyage au Général… Tu souris ! Ce serait trop malheureux si ça ne l’intéressait pas ! Arrange un peu les choses ou plutôt les mots d’après son ton habituel, mais voici l’essentiel à lui faire entendre… Nous avons vu qu’une nation est un territoire où les hommes possèdent en commun des souvenirs, des mœurs, un idéal héréditaire. Si elle ne maintient pas son idéal, si elle le distingue mal d’un idéal limitrophe, ou bien le subordonne, elle va cesser de persévérer dans son existence propre et n’a plus qu’à se fondre avec le peuple étranger qu’elle accepte pour centre. C’est ainsi que le duché de Lorraine s’est annexé à la France en deux temps, quand la noblesse a délaissé la constitution nationale pour le système français (vers 1711), et quand les intérêts des paysans et des bourgeois se sont accordés avec les passions révolutionnaires de Paris ( 1789-1814) ; c’est ainsi encore que Metz deviendra Allemagne le jour où les possédants auront substitué leur langue et par suite leur mentalité à la notre. Le long de cette vallée de la Moselle, visiblement nous sommes entamés, et même par cette voie des fusées du mal allemand pénètrent bien avant dans notre nation. Le boulangisme doit être une réaction là-contre. Ce qu’on demande au Général, c’est un service de soldat d’abord : la reprise de Metz et Strasbourg, ouvrages avancés qui couvrent la patrie ; c’est en outre une discipline morale, une raison qui rassure, fortifie, épure la conscience française… Dis-lui bien cela, Sturel. Il s’est trop diminué en Naquettisme, en verbalisme parlementaire. Il est né de notre instinct du danger national. Il n’a pas à