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L’APPEL AU SOLDAT

— Ce Saint-Phlin, dit-il aux trois autres personnes, quel personnage tout à fait satisfaisant ! Je n’ai jamais imaginé d’effort plus consciencieux pour rester en arrière de la transformation générale. Il y a sans doute des gens à paradoxe ; lui, il reste dans les réalités ; seulement, il élimine celles qui le gênent et il collectionne celles qui le servent ; ce n’est pas un esprit très vigoureux, mais d’une structure très déterminée. Tout ce qu’il a raconté à Sturel, c’est le traditionalisme. Tu ne pouvais pas être insensible, François, a une conception de la vie qui a de la noblesse esthétique. Eh bien ! oui, le traditionalisme a été vrai, l’homme a été le produit du sol. Il n’y a même pas bien longtemps et quelque chose en subsiste. Mais, de plus en plus, c’est le sol qui devient le produit de l’homme. Toute cette région de la Moselle a été soumise à des inventions scientifiques, à des forces organisées par des Parisiens, par des Anglais, par des Américains. Un certain nombre d’hommes pensent encore avec Saint-Phlin qu’ils sont les fils de leur pays ; pourtant, ces façons de sentir appartiennent désormais à une infime minorité. Le cerveau de Saint-Phlin n’est plus en harmonie avec les cerveaux de la collectivité. C’est beau de s’attacher à une telle conception et de plier dessus sa vie, mais, dans la courte durée de quelques générations, cette conception a cessé d’être vraie.

Mme de Nelles et ses deux invités, qui donnent raison à Rœmerspacher, ne comprennent d’ailleurs pas la position de la question. Ils approuvent des propos qui contredisent la doctrine de conservation sociale à laquelle ils prétendent se rattacher. Quand Sturel soutient cette théorie de l’hérédité et ces rapports de