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« PARAÎTRE OU DISPARAÎTRE, MON GÉNÉRAL ! »

aux pommettes. Seulement son regard prend plus souvent qu’à l’ordinaire cette fixité et cet accent dur qui, parfois, interrompent son expression de rêverie fatatiste. Nulle parole, nul geste où l’on puisse distinguer ses impressions, tandis qu’ils se dégagent du déjeuner que, la veille, ils avaient accepté. En chef qui continue d’assumer la bataille, il remet à Laisant un ordre qui assure quarante mille francs aux candidats du second tour. Quel jeune soleil délicieux tandis qu’il les reconduit sur le sable qui crie du jardin ! Soudain, il dit que tout à l’heure il Leur fera porter sa réponse. Et puis, à la grille, un dernier mot :

— Bon voyage, messieurs.

Sous cette belle tenue, que souffre-t-il au cœur quand ils disparaissent, ceux qui l’entraînèrent dans la politique, et quand il remonte seul vers sa maîtresse malade !

Les cinq ne se sentent pas capables de rester une minute de plus dans cette île où il peuvent, en se promenant, rencontrer celui qui devient tout court le locataire de M. Leffondré ! Il n’y a pas de service, ce jour-là, pour la France. Eh bien ! un petit bateau qu’ils frètent immédiatement les conduira à Guernesey, d’où ils gagneront Paris par Londres.

Du rivage qu’ils quittaient, un messager essoufflé leur tendit une missive du Général :

« … Vous êtes arrivés ici affolés par la défaite de dimanche, n’attendant même pas le scrutin de ballottage, abandonnant nos amis encore sur la brèche et n’ayant pas l’air de vous douter que vous faisiez ainsi le jeu de vos adversaires. Je vous connais trop pour penser un instant que vous me quittez parce que