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L’APPEL AU SOLDAT

arme à feu, Le Général ne cachait pas ses intentions :

— Je veux essayer de surmonter ma douleur, mais, si je n’y parviens pas, eh bien ! j’en finirai.

Et encore :

— Vous me ferez tous des discours. Comment changerais-je d’avis ? Je n’ai plus de goût à rien.

On tâchait de ne pas le quitter. Mais cet homme des foules n’aimait plus que la solitude. Sitôt levé, il se mettait au travail, puis, de dix heures à midi, recevait. À deux heures et demie, après le déjeuner, il rédigeait son courrier. À quatre heures et demie, enfin, il faisait atteler et portait des fleurs au cimetière. Là surtout on redoutait son isolement ; sa mère, sa cousine ou M. Dutens montaient dans sa voiture. Sturel un jour l’accompagna.

Ce lieu mémorable, où l’imagination du général Boulanger qui embrassa tant de choses se rétrécit toute, c’est, dans une triste campagne de banlieue, un cimetière neuf. Les lignes symétriques des tombes s’y développent durement. Seule, l’allée principale est bordée par deux rangs de peupliers qui, pour un désespéré, ont quelque chose d’éperdu et prennent les cieux à témoin sous le doux soleil de septembre À l’angle de cette voie centrale et du sentier n°3, Mme  de Bonnemains repose parmi les fleurs, auprès d’un épais buisson. Le tertre incliné supporte une colonne brisée et une dalle en pierre bleue de Namur, où se lisent trois lignes :

marguerite
19 décembre 1855-16 juillet 1891
À bientôt.

Boulanger se tint devant cette tombe droit, la tête