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L’ÉPUISEMENT NERVEUX CHEZ LE GÉNÉRAL

« Je me tuerai demain, ne pouvant plus supporter l’existence sans celle qui a été la seule joie, le seul bonheur de toute ma vie. Pendant deux mois et demi j’ai lutté ; aujourd’hui je suis à bout. Je n’ai pas grand espoir de la revoir, mais qui sait ! Et du moins je me replonge dans le néant où l’on ne souffre plus. » Ces lignes préambulaires résument les idées plus intenses qu’étendues qu’il roulait dans sa tête durant ses interminables promenades sous les peupliers du cimetière.

À la suite, il inscrit ses legs. À sa cousine germaine, Mlle Griffith, il laisse ses objets mobiliers, les seuls biens qui lui restent, à condition qu’elle continue à habiter avec la vieille Mme Boulanger et qu’elle garnisse constamment de fleurs la tombe de Mme de Bonnemains. Il désigne un certain nombre de personnes qui pourront, à titre de souvenirs, choisir un meuble, un tableau, une arme, un objet d’art, un bijou, dans l’hôtel de la rue Montoyer. Il termine en disant : « Je désire être inhumé (ceci est ma volonté formelle) dans le caveau que j’ai fait construire au cimetière d’Ixelles pour ma chère Marguerite, caveau dont j’ai le titre de propriété. Mon corps devra être placé dans la case du milieu, juste au-dessus d’elle. Et jamais, sous aucun prétexte, qui que ce soit ne devra être inhumé dans la case supérieure… Je demande que l’on place dans mon cercueil, lequel devra autant que possible être semblable à celui de mon aimée Marguerite, son portrait et la mèche de ses cheveux que j’aurai sur moi au moment de ma mort. Sur la pierre tombale, au-dessous de l’inscription de ma chère Marguerite, avec les mêmes caractères et la même disposition d’écriture, on devra