Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
AUTOUR DE LA GARE DE LYON

La voiture du Général sortait de l’Hôtel du Louvre ; elle traversa difficilement le trottoir, et avant qu’elle eût pris son tournant dans la rue un essaim formidable l’arrêta, cramponné au cheval, aux roues. Dix mille personnes entonnèrent le chant fameux :

Il reviendra quand le tambour battra ;
Quand l’étranger m’naç’ra notre frontière,
Il sera là et chacun le suivra :
Pour cortège il aura la Franc’entière !

On entraîne les chevaux à supporter le bruit du canon. Il faut un dressage pour que les hommes ne s’excitent pas trop au bruit des acclamations. Le froid Suret-Lefort en tête, Renaudin, Sturel, Saint-Phlin et Rœmerspacher lui-même foncèrent sur cette foule vers la voiture. Maintenant, on criait : « Partira pas ! Partira pas ! » Une vitre de la voiture s’abaissa. « Le voilà ! Le voilà ! Il est en civil, avec le général Yung », disait Renaudin à Sturel, qui distingua un monsieur blond riant et se penchant pour saluer. Ce fut une vision d’une seconde. Ils devinèrent qu’il parlait, mais ils ne le voyaient plus. Chacun retenait son haleine, et l’on affirma qu’il demandait le passage. La foule s’y fût opposée, mais, plus disciplinés, les hommes du premier rang, des ligueurs, disait-on, firent d’eux-mêmes un couloir vociférant où la voiture se précipite, suivie de trois fiacres pleins d’officiers et d’amis. Comme une débâcle, tout les poursuivit, entraînant les cinq jeunes gens.

— À la gare de Lyon ! dix francs ! — cria Sturel à un cocher.

— Vous nous retrouverez si vous voulez chez