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JOURNÉE D’AGONIE DE REINACH

mots, le ministre de la marine courait prévenir les Reinach.

Il leur dit l’inutilité du suprême effort tenté dans le cabinet de la place Beauvau. Le plus audacieux des subterfuges n’avait pu que reculer jusqu’au lundi les citations. L’heure arrivait des suprêmes arrangements.

Au terme de cette journée où le gros baron a trouvé toutes les issues closes, le cercle se resserre jusqu’à lui mettre deux mains d’étrangleurs autour du cou. Ses complices, qui d’abord pensaient s’évader du péril avec lui, travaillent à l’y murer. Depuis quelque temps un gêneur, il est devenu pire qu’un suspect. Aussi peut-on le tenir pour un cadavre en train de se faire. Jam fœtet. Ils piétinent de hâte pour l’ensevelir.

Que fît ce paria de ces dernières heures ? Ainsi qu’il arrive quand on suit une chasse, nous découvrons des traces, nous entendons les chiens, mais la bête, nous l’apercevons par rares intervalles. On dit l’avoir vu vers onze heures dans un petit entresol, chez deux sœurs qu’il entretenait. Ailleurs qu’auprès de ces filles, pouvait-il trouver désormais un coin pour souffler ?

Sans amis, sans horizon, sans dignité intérieure, plus triste qu’un chien perdu et pourtant incapable de nous émouvoir, l’inculpé rentra chez lui vers deux heures du matin et demanda du café.