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LA PREMIÈRE CHARRETTE

Comme l’appel aux amis, cet appel à l’union anti-boulangiste échoua. Alors rassemblant toutes ses forces, Clemenceau fit face à la grande accusation, Cornelius Herz agent de l’étranger :

« Injure suprême que, je l’avoue, je ne croyais pas avoir méritée de mes plus acharnés ennemis. J’ai trahi l’intérêt français, j’ai trahi la patrie, j’ai amené sur ces bancs une influence étrangère, dont j’ai été l’agent ! Guidé, commandé par cette influence étrangère, assujetti, asservi par elle, j’ai cherché à nuire à mon pays, j’ai cherché par des actes parlementaires à amener le désordre et la perturbation dans ma patrie ! Voilà l’accusation que vous avez portée à la tribune. Il n’y a qu’une réponse à faire : — Monsieur Paul Déroulède, vous en avez menti. »

Les ministres, heureux qu’en dépit du règlement l’interpellation devînt une interpellation de collègue à collègue, se gardèrent d’intervenir dans une querelle qui débordait le cadre parlementaire pour passionner le pays entier. M. Léon Bourgeois répondit en trois mots qu’« une instruction était ouverte et que, si elle montrait des faits de nature à faire déférer M. Cornelius Herz devant le Conseil de l’Ordre, il y serait déféré ». Nul n’écoutait cette phrase exsangue. Il n’y avait plus de gouvernement. Le dernier taureau tué, tout le monde saute dans l’arène