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LA LIQUIDATION CHEZ STUREL

les trottoirs, sur la chaussée, et leurs « Arrêtez-le ! », leurs cannes levées, leur expression épouvantable de fureur donnaient évidemment la chasse à un gibier que Mme  Sturel et son fils n’aperçurent pas tout d’abord. Mais sous un réverbère, soudain, avec vingt mètres d’avance, un être lancé comme une flèche passa, et d’une allure surhumaine, au point qu’à le voir un petit enfant eût pleuré. Il gagnait sur sa meute ; il eût peut-être vécu très vieux si, dans le moment où il franchissait encore le cercle lumineux d’un réverbère, une chaise violemment jetée d’une porte ne l’eût atteint à travers jambes. Il s’en alla rouler à vingt mètres en pleine ombre où l’océan humain, — comme les lames qui, plus vite qu’un cheval au galop, montent la grève du Mont-Saint-Michel — le rejoignit et le recouvrit.

Les journaux du lendemain racontèrent qu’une bombe avait été lancée dans un café, où elle avait estropié trois ou quatre personnes, par un jeune homme que la foule avait bientôt forcé, arrêté et déchiré. Il se nommait Fanfournot.

Avant d’expirer au poste, il avait célébré son acte, hautement équitable, disait-il, parce qu’il frappait au hasard et que chacun des membres de la société est responsable des injustices sociales. Il ajoutait toutefois ne s’y être décidé que pour utiliser son engin, après avoir reconnu dans la journée l’impossibilité d’atteindre les plus hauts coupables.